Friday, 16 March 2007

Friday, 19 January 2007

From: Henri Michaux, Face aux verrous, Paris, Gallimard, 1951, 1992.

POÉSIE POUR POUVOIR

[...]

Je rame
Je rame
Je rame contre ta vie
Je rame
Je me multiplie en rameurs innombrables
Pour ramer plus fortement contre toi

Tu tombes dans le vague
Tu es sans souffle
Tu te lasses avant méme le moindre effort

Je rame
Je rame
Je rame

[...]

Efficace comete la vipère
Efficace comme le couteau effilé pour faire la plaie
Comme la rouille et l'urine pour 1'entretenir
Comme les chocs, les chutes et les secousses pour 1'agrandir
Efficace est mon action

[...]

Poussant la porte en toi, je suis entré
Agir, je viens
Je suis là
Je te soutiens
Tu n'es plus à 1'abandon
Tu n'es plus en difficulté
Ficelles déliées, tes difficultés tombent
Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus
Je t'épaule
Tu poses avec moi
Le pied sur le premier degré de 1'escalier sans fin
Qui te porte
Qui te monte
Qui t'accomplit

Je t'apaise
Je fais des nappes de paix en toi
Je fais du bien à l'enfant de ton réve
Afflux
Afflux en palmes sur le cercle des images de 1'apeurée
Afflux sur les neiges de sa pàleur
Afflux sur son àtre... et le feu s'y ranime

[...]


MOUVEMENTS

[...]

Bàton fou
boomerang qui sans cesse revient
revient torrentiellement
à travers d'autres
reprendre son vol

Gestes
gestes de la vie ignorée
de la vie
de la vie impulsive
et heureuse à se dilapider
de la vie saccadée, spasmodique, érectile
de la vie à la diable, de la vie n'importe comment

Gestes du défi et de la riposte
et de 1'évasion hors des goulots d'étranglement
Gestes de dépassement
du dépassement
surtout du dépassement
(pré-gestes en soi, beaucoup plus grands que le geste, visible et pratique qui va suivre)

Emmélements
attaques qui ressemblent à des plongeons
nages qui ressemblent à des fouilles
bras qui ressemblent à des trompes

Allégresse de la vie motrice
qui tue la méditation du mal
on ne sait à quel règne appartient
l'ensorcelante fournée qui sort en bondissant
animai ou homme
immédiat, sans pause
déjà reparti
déjà vient le suivant
instantané
Gomme en des milliers et des milliers de secondes
une lente journée s'accomplit

La solitude fait des gammes
le désert les multiplie
arabesques indéfiniment réitérées

Signes
non de toit, de tunique ou de palais
non d'archives et de dictionnaire du savoir
mais de torsion, de violence, de bousculement
mais d'envie cinétique

Signes de la débandade, de la poursuite et de 1'emportement
des poussées antagonistes, aberrantes, dissymétriques
signes non critiques, mais déviation avec la déviation et course avec la course signes non pour une zoologie
mais pour la figure des démons effrénés
accompagnateurs de nos actes et contradicteurs de notre retenue

Signes des dix mille facons d'étre en équilibre dans ce monde mouvant qui se rit de 1'adaptation
Signes surtout pour retirer son étre du piège de la langue des autres
faite pour gagner contre Vous, comete une roulette bien réglée
qui ne vous laisse que quelques coups heureux
et la ruine et la défaite pour finir
qui y étaient inscrites
pour vous, comete pour tour, à l'avance
Signes non pour retour en arrière
mais pour mieux u passer la ligne " à chaque instant
signes non comme on copie
mais commte on pilote
ou, foncant inconscient, comete on est piloté

Signes, non pour étre complet, non pour conjuguer
mais pour étre fidèle à son "transitoire"
Signes pour retrouver le don des langues
la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera?
Écriture directe enfin pour le dévidement des formes
pour le soulagement, le désencombrement des images
dont la piace publique-cerveau est en ce temps particulièrement engorgée

Faute d'aura, au moins éparpillons nos effluves.

Friday, 12 January 2007

Improvisation (17:57)

play

Manifesto

PREMESSA
1. Qualsiasi sequenza di suoni, se prodotta o ascoltata con l'intenzione di produrre un senso, definisce un linguaggio sonoro.
1.1. Lo scopo per chi suona è, considerato un certo linguaggio sonoro, produrre opere cercando di utilizzare nel miglior modo possibile un linguaggio.
1.1.1. Per "miglior modo possibile" si intende la realizzazione di un prodotto ricco e con pochi errori. I confini della ricchezza sono dati dalle possibilità acustiche dello strumento, dalle modalità di produzione e quindi dagli elementi del linguaggio che si usa (dal vocabolario e dalla sintassi).
1.1.1.1. Utilizzare al massimo le possibilità acustiche dello strumento. Misurarsi con esse, scoprire nuovi suoni.
1.1.1.2. Le modalità di produzione combinano in diverso grado le pratiche della composizione e quelle dell'improvvisazione o composizione istantanea. Queste due pratiche sono l'analogo della scrittura e dell'espressione orale in una lingua naturale. Il mio modo è quello dell'improvvisazione.
1.1.1.2.1. Rapporto con l'armonia occidentale. L'utilizzo di linguaggi che scaturiscono dalla pratica compositiva scritta, che col tempo hanno raggiunto anche grazie alla scrittura altissimi livelli di complessità formale, come nel caso della musica occidentale, non può che essere fatto in modo rudimentale e limitato con un approccio improvvisativo totalmente "orale". Diventano interessanti invece altri elementi da sviluppare: la composizione diretta e istantanea, la creazione del flusso sonoro, la realizzazione di eventi legati a tratti particolari del suono, come la dinamica, l'opposizione buon suono/cattivo suono, la forzatura e l'estensione timbrica.
1.1.1.2.2. Rapporto con l'improvvisazione delle musiche etniche. Le musiche che si muovono in senso totalmente orale in ambito etnico sono generalmente legate a funzioni sociali, servono a supporto della danza, dell'espressione poetica, dell'esecuzione diretta. Per questo i pezzi sono costruiti partendo da forme semplici e rigidamente formalizzate in cui sono enfatizzati gli artifici del ritmo e della ripetizione. In un contesto culturale diverso, in cui il suono si considera per quello che è e svincolato da pratiche non musicali e in cui la trasportabilità e la replicabilità è consentita dalle tecniche di riproduzione, gli artifici di semplicità della oralità etnica, come il ritmo e la ripetizione, possono essere benissimo superati.
1.1.1.3. L'errore è una componente fondamentale della costruzione del discorso. Conservare l'errore. Il pezzo si sviluppa anche risolvendo gli errori che inevitabilmente vengono. Il mio scopo è esercitare più liberamente possibile la pratica musicale. Lo scopo è dimostrare il processo creativo e non una bella tecnica. Se questa dimostrazione avviene in forma fluida, con bassa percentuale di errori e con buona tecnica probabilmente si sarà ottenuto anche il risultato di aver prodotto qualcosa di piacevole anche per l'orecchio. Ma questa non è la finalità principale.

INDICAZIONI
Suona di getto e contemporaneamente medita sulle conseguenze di ogni suono fatto cercando di prevedere le conseguenze di ogni suono successivo.

Saturday, 6 January 2007

From: Henri Michaux, Passages (1937-1963), Paris, Gallimard, 1950-1963.


Peindre


Le déplacement des activités créatrices est un des plus étranges voyages en soi qu'on puisse faire.
Étrange décongestion, mise en sommeil d'une partie de la téte, la parlante, l'écrivante (partie, non, système de connexion plutót). On change de gare de triage quand on se met à peindre.
La fabrique à mots (mots-pensées, mots-images, mors-émotions, mots-motrìcité) disparait, se noie vertigineusement et si simplement. Elle n'y est plus. Le bourgeonnement s'arréte. Nuit. Mort locale. Plus d'envie? d'appétit parleur. La partie de la téte qui s'y trouvait la plus intéressée, se refroidit. C'est une expérience surprenante.
Et quel repos !
Étrange émotion. On retrouve le monde par une autre fenétre. Comme un enfant, il faut apprendre à marcher. On ne sait rien. On bourdonne de questions. On essaie constamment de deviner... de prévoir...
Nouvelles difficultés. Nouvelles tentations.
Tout art a sa tentation propre et ses cadeaux.

II n'y a qu'à laisser venir, laisser faire.
Pour le moment je peins sur des fonds noirs, hermétiquement noirs. Le noir est ma boule de cristal. Du noir seul, je vois de la vie sortir.
(1938)


Premières impressions

Ne m'étant pas, enfant, prété à jouer avec le sable des plages (manque désastreux dont je devais me ressentir toute la vie), il m'est venu, hors d'àge, le désir de jouer et présentement de jouer avec les sons.
Oh! Quelle étrange chose au début, ce courant qui se révèle, cet inattendu liquide, ce passage porteur, en soi, toujours et qui était.
On ne reconnait plus d'entourage (le dur en est parti).
On a cessé de se heurter aux choses. On devient capitaine d'un FLEUVE...

On est pris d'une étrange (et dangereuse) propension aux bons sentiments. Tout est pente. Les moyens déjà sont paradis.
On ne trouve pas les freins; ou pas aussi vite qu'on ne trouve le merveilleux...

On met en circulation une monnaie d'eau.

Comme une cloche sonnant un malheur, une note, une note n'écoutant quelle-mème, une note à travers tout, une note basse comme un coup de pied dans le ventre, une note àgée, une note comme une minute qui aurait à percer un siècle, une note tenue à travers le discord des voix, une note comme un avertissement de mort, une note, cette heure durant m'avertit.

Dans ma musique, il y a beaucoup de silence.
Il y a surtout du silence.
II y a du silence avant tout qui doit prendre place.
Le silence est ma voix, mon ombre, ma clef... signe sans m'épuiser, qui puise en moi.
Il s'étend, il s'étale, il me boit, il me consomme.
Ma grande sangsue se couche en moi.

*

Quand rien ne vient, il vient toujours du temps, du temps,
sans haut ni bas,
du temps,
sur moi,
avec moi,
en moi,
par moi,
passant ses arches en moi qui me ronge et attends.

Le Temps.
Le Temps.
Je m'ausculte avec le Temps.
Je me táte.
Je me frappe avec le Temps.
Je me séduis, je m'irrite...
Je me trame,
Je me soulève,
je me transporte,
Je me frappe avec le Temps...

Oiseau-pic.
Oiseau-pic.
Oiseau-pic.

Qu'est-ce que je fais ici?
J'appelle.
J'appelle.
J'appelle.
Je ne sais qui j'appelle.
Qui j'appelle ne sait pas.
J'appelle quelqu'un de faible,
quelqu'un de brisé,
quelqu'un de fier que rien n'a pu briser.
J'appelle.
J'appelle quelqu'un de là-bas,
quelqu'un au loin perdu,
quelqu'un d'un autre monde.
(C'était donc tout mensonge, ma solidité?)
J'appelle.
Devant cet instrument si clair,
ce n'est pas comme ce serait avec ma voix sourde.
Devant cet instrument chantant qui ne me juge pas,
qui ne m'observe pas,
perdant toute honte, j'appelle,
j'appelle,
j'appelle du fond de la tombe de mon enfance qui boude et se contracte encore,
du fond de mon désert présent,
j'appelle,
j'appelle.
L'appel m'étonne moi-méme.
Quoique ce soit tard, j'appelle.
Pour crever mon plafond sans doute surtout
j'appelle.

*

Pourquoi faut-il aussi que je compose?
Pour briser l'étau peut-étre,
pour me noyer peut-étre,
pour me noyer sans m'étouffer,
pour me noyer mes piques,
mes distances, mon inaccessible.
Pour noyer le mal,
le mal et les angles des choses,
et l'impératif des choses,
et le dur et le calleux des choses,
et le poids et l'encombrement des choses,
et presque tout des choses,
sauf le passage des choses,
sauf le fluide des choses,
et la couleur et le parfum des choses,
et le touffu et la complicité parfois des choses,
et presque tout de l'homme,
et tellement de la femme,
et beaucoup, beaucoup de tout
et de moi aussi
beaucoup, beaucoup,
beaucoup
... pour que passe enfin mon torrent d'anges.

Peu ici compose.
Tout le contraire,
m'y décompose,
en paix, en fluide, m'y décompose.
Mes pierres, ma dent y décompose,
mon obstiné résistant y décompose
et m'étends,
et m'étends à la peine des autres.
Làchant tout respect humain,
je calme, je console, je guéris,
je ressuscite la morte,
j'ouvre les portes,
j'avance pour bénir,
je parle au nom de tous.
Arc-en-ciel.
Plus de procès.
Je plante l'arbre à pain.

*

Marquée par la cassure d'un mal profond, une mélodie, qui est mélodie comme un vieux lévrier borgne et rhumatisant est encore un lévrier, une mélodie
Sortie peut-étre du drame du microséisme d'une minute ratée dans une après-midi difficile, une mélodie défaite, et retombant sans cesse en défaite
Sans s'élever, une mélodie, mais acharnée aussi à ne pas céder tout à fait, comme retenu par ses racines braquées, le palétuvier bousculé par les eaux.
Sans arriver à faire le paon, une mélodie, une mélodie pour moi seul, me confier à moi, éclopée pour m'y reconnaitre, soeur en incertitude
Indéfiniment répétée, qui lasserait l'oreille la plus acquiesC,ante, une mélodie pour radoter entre nous, elle et moi, me libérant de ma vraie bredouillante parole, jamais dite encore
Une mélodie pauvre, pauvre comme il en faudrait au mendiant pour exprimer sans mot dire sa misère et toute la mifère autour de lui et tout ce qui répond misere à sa rpisère, sans l'écouter
Comme un appel au suicide, comme un suicide commencé, comme un retour toujours au seul recours : le suicide, une mélodie
Une mélodie de rechutes, mélodie pour gagner du temps, pour fasciner le serpent, tandis que le front inlassé cherche toujours, vainement, son Orient
Une mélodie...

*

On le prend sur le fait, le changement ruisselant des humeurs.
Tout à coup, la joie est là, révélée, avant qu'on I'ait sentie. Il ne faut plus que la reconnaître. Mais quelques minutes plus tard, sans se briser, elle ralentit, s'immobilise en quelque embrouillamini, où elle trouve une attache forte et dont elle ne peut se défaire, ródant autour sans profit. Cependant à l'embarras il y a une fin, la voilà repartie, insouciance, joie. Mais, qu'est ceci? Tristesse? De qui? Pourquoi? Sur quels sujets brusquement si nombreux, enfermant l'horizon ?
Lentement, une mélancolie, traversant une mélancolie, rencontre plus loin une mélancolie qui se fond et se rallonge en une nouvelle mélancolie. Les chars sont embourbés. Tout afflige. Tout K repousse ". MéIancolie ne désemplit plus.
Plus souvent on est dans l'hésitation, hésitation dont on aurait tort de vouloir sortir prématurément. À elle de savoir. Le trouble trop grand, dessous, qu'elle ne peut encore rendre, à elle de le fixer, à la musique sous les doigts. Elle sera la première informée.

Comme un enfant rèveur, se fourrant les doigts dans le nez, pensif d'un grand problème, mùr de cinquante autres, fette des pierres dans l'eau pour les grands cercles ensuite qui vont s'étendre, s'étendre...
jouant, et mes doigts jouant avec mon ignorance, ma grande, bonne, vraie compagne de toute ma vie, mon ignorance, mon appui, mon intérieur, ou formant sans insister une lente chaussée d'îles...
fatigué d'images, je joue pour faire de la fumée.

*

Contre les bruits, mon bruit. Ce bruit alors repousse tous les autres, ceux du moment, ceux d'avant, ceux de toute la journée, les ramassant par un prodige inoui
en un néant parfait, un soulagement total.
À mesure que la nuit avance et que dans les sons mon moi s'engage, sous le toit bienveillant de l'obscurité, les amis, le sentiment de la présence des amis qu'on garde Gomme une protection après leur éloignement, le souvenir des rencontres, des incidents qui ont compté dans la journée, qui un instant avaient resurgi faiblement en écho, s'estompent, se raréfient. Il n'en vient plus.
Je demeure seul, abandonné des miens, si peu miens maintenant.
Personne, plus personne.
Mon navire brise-silence avance seul dans la nuit.

*

Quand je reviens de voyage, quoique ayant songé à lui [mon piano] bien pouvent dans mes heures de mauvaise humeur et de faim d'autrui, je suis d'abord quelque temps à coqueter avec mon désir, n'allant pas directement à lúi, ni méme le regardant.
Après des dizaines et des dizaines de minutes seulement, après avoir lancé un coup d'oeil comme à demi indifférent, et découvert avec flegme puis refermé l'instrument, tout à coup de désir plein, trop longtemps retenu, je m'y jette, je m'y rue (n'ayant pas depuis longtemps un piano, je dois avoir encore la peur de le perdre et de ne plus en avoir jamais), cette fois je ne me retiens ni des doigts ni du coeur, je m'allonge par-dessus les touches d'où émane la nappe sonore, je m'y trempe, je m'y masse, je m'y dénoue et m'y noie.
Cette fois, c'est bien le retour.
Quand je fus pour louer cet instrument un peu méprisé, je ne pensais pas à lui comme compagnon. Mais le fait est là. Il l'est devenu.
J'ai peur parfois de lui, devenu si nécessaire.
Compagnon qui ne me regarde pas, qui ne m'éva lue pas, qui ne prend pas de note, qui ne garde pas de trace, compagnon qui n'exige pas, ne me fait rien lui promettre.
Tout si simple avec lui.
J'approche. Il est prét.
Je souffre. Il fait le chant.
J'apporte l'obsession, la géne, l'oppression:
Il fait le chant.
J'apporte la situation sans remède, le vain déploiement des efforts, le ratage de tout avec la mesquinerie, les précautions emportées par le vent, par le feu, par le feu, par le feu surtout:
Il fait le chant.
J'apporte l'inondation de sang, le braiment des ànes contre la paix, les camps, le travail forcé, la misère, les emprisonnés de la famille, les choses à demi, les amours à demi, les élans à demi et moins qu'à demi, les vaches maigres, les hópitaux, les interrogatoires de police, les lents mourants dans les bleds perdus, les amers vivants, les foutus, ceux qui dérivent avec moi sur la banquise folle:
II fait le chant.
Je pousse tout péle-méle, ne sachant ce que j'apporte, de qui, pour qui, qui parle dans le panier de plaies:
Lui fait le chant
Lui fait le chant.

*

Il se peut fort bien que je ne continue pas longtemps, fatigué un jour de... ces improvisations qui ne deviennent pas des oeuvres.
Il ne faudrait pas que jamais j'oublie. J'étouffais. Je crevais entre les mots.
J'étais paralysé devant les murs. Ce n'est plus pareil maintenant. Ce ne sera plus jamais pareil.
j'ai connu mon plancton. Je l'ai entendu ! Je sais qu'il est là, maintenant, qu'on le remarque ou non, masse de mouvements flottants sans fin, nourriture océanique d'apaisement.
Les races les plus dures, sur la flúte ont été élégiaques. Leur fierté, là, c'est comme si elle n'était pas engagée. Les guerriers peuvent pleurer. Les razzieurs de troupeaux, les violeurs de femmes peuvent s'attendrir.
Pas besoin de se justifier. Et on peut aller jusqu'au bout sans ridicule.
Un poème aurait vendu la mèche dix fois et la prose rend tout ignoble.
Mots, mots qui viennent expliquer, commenter, ravaler, rendre plausible, raisonnable, réel, mots, prose comme le chacal.
Autrefois, je croyais la peau de tambour nécessaire. Je vois bien que non maintenant. N'importe quel bois fait l'affaire sur quoi les doigts, la main peuvent taper. Vite, plus vite, moins vite, lentement, très lentement. Toute vie ramenée à ca. Mesure de quoi? On ne sait. À tout hasard, on se prépare une respiration nouvelle pour un événement capital, pas apparu encore, pour un nouvel aiguillage ou une grande expérience ou un désastre sans recours, où il faudra qu'elle soit ample et lente pour méditer sagement hors de l'horreur et résister à la vaine envie de vouloir encore redémarrer...

*

On me poussait à enregistrer. Depuis un an que je possède l'appareil, je l'ai plutót boudé. Le foret à surveiller, le disque à surveiller, le disque à changer après trois minutes, ce foret à resurveiller, le sillon à suiveiller pendant qu'on joue, penser que ~a fait un morceau quand justement on n'aime pas les morceaux, mais les répétitions, les longueurs, le petit bonhomme de chemin, et pas de chemin, revenir, revenir à la méme chose, étre litanie, litanie comme la vie, étre longtemps avant de finir, ne pas tellement se décider à faire musique d'homme et surtout pas de compositeur, et surtout pas d'Occidental et plutót faisant musique de moineau, de moineau pas très décidé, perché sur une branche, de moineau qui essaierait d'appeler un homme...

*

Entendu hier musique espagnole. Ne me dit plus rien. Musique pour se réjouir ou se lamenter ensemble quelques-uns. En somme, pour se distraire.
Ce que je voudrais (pas encore ce que je fais) c'est musique pour questionner, pour ausculter, pour approcher le problème d'étre.

[...]

(1949)

Improvisation (09:30)

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